Miettes valéricaines – Christian Andrès

Le 19 décembre 2017

Miettes valéricaines – Christian Andrès

Ce petit livre, Miettes valéricaines, à la fois très savant et très subjectif, nous convie à une promenade intelligente (et attendrissante) à travers les rues de Saint-Valery-sur-Somme. Constitué d’ « observations et impressions personnelles au cours de promenades et lectures faites depuis 2004 », nous signale l’auteur, Christian Andrès, il s’agit en fait, pourrait-on dire, d’un guide touristique d’un genre très particulier, une sorte de « guide amoureux de Saint-Valery » à l’intérieur duquel se mêlent parfois des évocations autobiographiques.

L’auteur y fait entrer des considérations parfois minimalistes (plusieurs pages sur le chapeau de sa cheminée), ou intimes (un rapprochement entre la vie et la mort de son père et la mort tragique d’un jeune résistant dans la rue même où il a une petite maison de pêcheur), des connaissances sur l’histoire de Saint-Valery-sur-Somme (« De ce port / en 1066 / Guillaume de Normandie / partit / à la tête d’une flotte de 400 voiles / pour la conquête de l’Angleterre »), l’évocation de peintres qui furent inspirés par la Baie de Somme (Eugène Boudin, Edgar Degas), une analyse de tableaux d’un certain Louis Braquaval, etc…

L’auteur s’attarde régulièrement devant les plaques commémoratives apposées sur les façades de vieilles maisons et autres lieux de longue mémoire qui jalonnent son parcours : tout au long de ce parcours buissonnier à travers les rues et quartiers de « Saint-Val’ », l’auteur se livre à « un travail de collecte d’impressions, notes et observations diverses » qu’il transcrit ensuite consciencieusement, méticuleusement, sur son petit carnet qui ne le quitte jamais. Il nous restitue ainsi avec un souci constant d’exactitude et de précision, en vrac et sans projet délibéré, et toujours avec une spontanéité touchante, des évocations de gloires locales (Nicolas Lajoille, Jean-Baptiste Anguier du Peuple, etc.) ou d’écrivains tels que Fernand Calmettes ou Robert Mallet et surtout Anatole France qui y composa en 1886 son roman autobiographique Pierre Nozières. Mais dans cette région qu’il célèbre avec tant d’amitié, il sait aussi apprécier parfois une certaine forme de solitude, celle qui permet de se fondre dans la nature et dans l’intime d’un paysage.

L’éclairage qu’apporte ici Christian Andrès, qui est celui du mémorialiste, certes, mais également, assez souvent, celui du peintre (qu’il est aussi) et qui témoigne d’une connaissance érudite de ce lieu – pour lequel il éprouve un réel et profond attachement –, nous donne envie de visiter Saint-Valery-sur-Somme (ou d’y retourner) : c’est d’un œil neuf que nous verrons alors cette charmante et pittoresque localité. Ce petit livre est, en vérité, un très bel hommage rendu à Saint-Valery-sur-Somme et son écriture, par son souci des détails, minuscules parfois, du quotidien nous rappelle, dans un autre registre certes, certains textes de Marcel Cohen (Détails) ou de Pierre Michon (Vies minuscules).

Par Maurice Abiteboul

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Christian Andrès, Miettes valéricaines, Paris, Éditions Complicités, 2017, 78 pages