Lettre de la Société des agrégés aux candidats
Par Société des agrégés, le 13 avril 2017
Nous avons écrit aux onze candidats dont la candidature a été validée par le Conseil constitutionnel. Les réponses reçues sont disponibles dès aujourd’hui pour nos adhérents sur l’espace de notre site internet réservé. Elles seront publiées dans notre revue L’Agrégation et disponibles pour le public dans quelques jours.
Mesdames, Messieurs les candidats à la Présidence de la République,
La campagne électorale a malheureusement relégué au second plan les questions d’éducation, pourtant fondamentales pour l’avenir de la France.
La Société des agrégés souhaite, comme lors de chaque élection présidentielle, attirer votre attention sur les mesures nécessaires à la vitalité de notre système éducatif et, partant, à l’essor de la France. Elle vous demande :
– quelles mesures radicalement nouvelles vous mettrez en œuvre pour réconcilier l’école avec elle-même et améliorer le système éducatif et quel sort vous réserverez à la réforme du collège, encore contestée par une majorité de parents et de professeurs ;
– comment vous garantirez la continuité d’un service public d’éducation accessible à tous, sans distinction d’origine ou de fortune ;
– comment vous améliorerez les conditions de travail des professeurs, leur rémunération, la prise en compte de leurs capacités et de leur concours, la gestion des ressources humaines, dont le fonctionnement archaïque et impersonnel joue dans l’augmentation des démissions comme dans l’appauvrissement d’un vivier de professeurs de qualité ;
– comment vous garantirez une meilleure transparence du système éducatif auprès des parents, des professeurs et, plus généralement, des citoyens (allocation des moyens, évaluation précise et régulière des succès et des échecs) ;
– comment vous agirez pour que la France joue un rôle important dans un univers éducatif mondialisé où la concurrence entre systèmes est de plus en plus forte, où l’éducation est un enjeu stratégique ;
– quelle part du budget vous réserverez à la jeunesse et à l’éducation.
La Société des agrégés veut également souligner la nécessité de porter une attention constante au concours de l’agrégation et au sort des agrégés parce que la manière dont on considère ce concours et les professeurs qui en sont lauréats est révélatrice de l’état de santé du système dans son ensemble.
– Ainsi, l’utilisation des agrégés, qui trop souvent ne tient pas compte de leur qualification, révèle un problème de plus grande ampleur, qui est celui de l’affectation des professeurs et, plus particulièrement, des principes directeurs du mouvement des personnels et de l’application des textes réglementaires.
– Ainsi, le mépris dans lequel ils sont parfois tenus au sein de l’Éducation nationale tranche singulièrement sur le respect qu’ils reçoivent dans le reste de la société française et révèle le dysfonctionnement d’un système qui croit avoir récompensé ses troupes par le seul concours alors qu’il ne sait comment employer au mieux leurs capacités.
– Ainsi, la suppression des bourses d’agrégation révèle les insuffisances des aides sociales, une conception réductrice de la réussite et un déficit d’accompagnement.
– Ainsi, le traitement réservé aux agrégés dans l’enseignement supérieur révèle un intérêt insuffisant pour les tâches d’enseignement.
– Ainsi, la volonté de certains de réserver tous les postes à la seule agrégation interne révèle un mépris inconscient pour les plus jeunes qui, eux aussi, ont le droit de réussir et d’être traités à l’égal de leurs collègues, fussent-ils en début de carrière.
– Ainsi, les projets de réforme tendant à la dénaturation ou à la suppression du concours s’inscrivent dans une perspective iconoclaste, qui confond modernité et saccage, et relèvent autant d’une paresse intellectuelle regrettable que de l’incapacité à prévoir à long terme l’évolution de notre système.
La défense de l’agrégation n’est pas un corporatisme de plus. Si nous proposons depuis longtemps que l’agrégation, clef de voûte du système éducatif, en soit un modèle, c’est parce qu’elle repose sur des éléments et des principes objectivement bons et constants au-delà des changements historiques qu’elle a traversés. Parce qu’elle incarne à la fois l’exigence, la liberté et l’égalité.
Comme certification de haut niveau, elle sanctionne non seulement la haute maîtrise d’une discipline mais aussi l’excellence d’une culture véritablement générale. Comme concours, elle est un modèle de recrutement fondé sur des critères objectifs : elle a été créée pour recruter un personnel à l’esprit libre. Comme label national, elle est le garant d’un recrutement démocratique et transparent, de l’homogénéité et de la qualité de la formation.
Elle est un élément de progrès qui, grâce à une évolution de plus de 250 années, où on l’a vue accompagner l’émancipation politique, l’émancipation féminine et l’élévation globale du niveau d’instruction de la population, doit alimenter la réflexion sur le système éducatif français et ses spécificités. Si la construction de l’avenir éducatif de la France ne peut ni ne doit se construire sur la nostalgie, il ne saurait se résumer au rejet simpliste du passé.
Comme mes prédécesseurs, lorsqu’ils ont créé la Société des agrégés il y a plus d’un siècle, je veux rappeler l’importance sociale de ce concours qui, chaque année, recrute des professeurs issus de tous milieux et de tous parcours, sans distinction d’origine, d’âge ni de sexe. Si le dispositif est imparfait, il convient de l’améliorer, non de le supprimer. Dire que la démocratie est le moins imparfait des systèmes, ce n’est pas en réclamer la suppression au bénéfice de tout autre, plus pernicieux.
Le Bureau de l’association et moi-même souhaiterions connaître votre point de vue sur ces questions essentielles, soit dans une réponse écrite, soit lors d’une rencontre, ce qui nous permettrait de transmettre à nos adhérents, quelques semaines avant le premier tour des élections, les informations susceptibles d’éclairer leur avis sur vos programmes respectifs.
Vous assurant de notre attachement profond à un enseignement qui crée une culture commune vivante, qui pousse chacun à son degré d’accomplissement le plus haut, qui porte à la fois l’émancipation des citoyens et l’ambition de la France,
Bien à vous,