Démissions et « malaise » des enseignants : le ministère doit réagir
Par Société des agrégés, le 10 janvier 2017
Il y a près de cinq ans, la Société des agrégés publiait un rapport sur le sentiment des professeurs sur leur métier. À l’époque, les chiffres des démissions n’étaient pas publiés comme ils viennent de l’être dans le rapport Carle (p. 36-37), qui montre une brutale augmentation des démissions. Cependant, dans notre enquête, 45,6% des professeurs interrogés disaient déjà avoir été tentés de démissionner ou l’être toujours et 73,6% envisageaient de changer de voie. Aujourd’hui, nous venons de réaliser une enquête sur la réforme du collège, qui semble renforcer une volonté de fuir l’enseignement, dont on voit les indices depuis plusieurs années dans les chiffres des postes non pourvus au Capes.
Stress et manque de sollicitations intellectuelles hier
C’est le sentiment d’une multiplication des appels au secours adressés à la Société des agrégés qui avait conduit à la rédaction du rapport de 2011. Nous avions été surpris devant le nombre de collègues qui nous contactaient parce qu’ils ne pouvaient plus supporter leur métier.
Les raisons principales de la tentation de démissionner étaient, de manière quasi égale, le stress, le manque de reconnaissance et le besoin de renouvellement intellectuel. Le besoin de renouvellement intellectuel constituait aussi la raison majeure qui poussait à souhaiter exercer une activité complémentaire (bien plus que les considérations financières).
Pourtant, les professeurs étaient particulièrement attentifs à prolonger leur formation tout au long de leur carrière : nombre d’entre eux avaient passé un second concours, plus exigeant que le premier, en majorité après dix ans d’exercice. De même, nombre d’entre eux conservaient une activité de recherche importante et de très haut niveau : soit par la préparation d’un doctorat, soit, une fois docteurs, par la participation à des travaux de recherche universitaires, soit par des recherches personnelles libres. Or, ils avaient le sentiment de voir ce dynamisme ignoré, voire brimé, par l’institution.
Contrairement aux idées reçues, les professeurs ayant préalablement exercé une autre profession que l’enseignement avaient une vocation moins affirmée que ceux qui étaient devenus professeurs à l’issue de leurs études, et étaient plus profondément déçus par l’exercice du métier que les seconds, notamment en termes de rémunération, de prestige de la fonction et de progression de carrière.
Atmosphère délétère et solitude aujourd’hui
Le climat né de la réforme du collège et dépeint par nos collègues est un climat de survie, chacun cherchant à défendre son poste. Les effets sont contraires aux effets recherchés par la réforme qui avait pour objectif affiché d’encourager les professeurs à travailler ensemble. Le mot « délétère » a pourtant été employé spontanément plusieurs fois par les collègues dans leurs réponses à notre enquête de décembre. Certains ont mentionné des disputes extrêmement vives, jusqu’à des scènes violentes.
Les éléments les conduisant à souhaiter partir sont l’augmentation des tâches administratives au détriment des tâches d’enseignement, le manque d’accompagnement dans l’application de la réforme, l’augmentation du nombre de leurs élèves qui, liée à la diminution des horaires disciplinaires, réduit le temps qu’ils peuvent consacrer à chacun. Ils ont l’impression qu’on leur demande en permanence de faire mieux avec moins et sans leur accorder la moindre reconnaissance. La réforme du collège ne fait que renforcer une évolution existante.
Certains se montrent pressés de partir et envisagent une retraite anticipée. D’autres souhaitent quitter le collège pour le lycée, suivant un mouvement de fuite que l’on constate depuis plusieurs années déjà. D’autres encore ne voient plus aucun avenir pour eux dans l’Éducation nationale.
Des solutions ?
Seule une politique plus humaine et véritablement adaptée aux spécificités de la carrière des professeurs et de leurs parcours sera une réponse valable de l’institution. Il faut une écoute plus attentive, moins de lourdeur dans les procédures et une reconnaissance du travail des professeurs. Toute l’institution doit considérer le professeur non comme un empêcheur de tourner en rond mais comme la cheville ouvrière du système éducatif, à laquelle il faut donc apporter tous ses soins.