Anglais à l’université : faut-il accorder l’indult ?
Par Société des agrégés, le 23 mai 2013
Le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche introduit des exceptions à l’usage de la langue française dans l’enseignement supérieur. L’Académie française a violemment réagi, les députés se déchirent, le débat s’envenime. C’est fort dommage, car les problèmes posés sont réels.
Les débats à l’Assemblée nationale sur la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche ont longuement porté sur l’article 2 du projet de loi qui évoque la possibilité d’organiser des enseignements en langues étrangères dans les établissements d’enseignement supérieur. Pour être exact, le texte discuté indique : « Des exceptions peuvent également être justifiées par la nature de certains enseignements lorsque ceux-ci sont dispensés pour la mise en œuvre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l’article L. 123-7 ou dans le cadre d’un programme européen. »
La question posée à l’Université française est complexe et on ne peut se contenter d’opposer conservateurs et progressistes, idéalistes et pragmatiques ou anti-mondialistes et capitalistes bref, Académie française et « business schools » dans le traitement de cette question.
La défense du Ministère est extrêmement maladroite. Quand la ministre évoque une université dépassée parce qu’elle se contenterait de cours en français sur Proust, ce sont des propos déplaisants, non des arguments : c’est précisément pour suivre des cours en français sur Proust qu’une partie des étudiants étrangers vient en France… Quant à l’argumentaire des « business schools », il est violemment agressif : il ne sert à rien de fustiger, de manière caricaturale, comme on l’a lu dans un texte, les agrégés de lettres classiques, qui, les malheureux, ne sont pas responsables de tous les maux de l’enseignement supérieur français.
Il faut reconnaître que les étudiants français, si certains cours ne sont pas dispensés en anglais dans les domaines dans lesquels la recherche mondiale se fait précisément en anglais, s’ils ne sont pas aidés par l’institution, partent avec un handicap réel. Il est évident que seuls les étudiants qui en ont les moyens pourront s’offrir des études dans les pays anglophones.
Les opposants à cette introduction dans la loi y voient un cheval de Troie, risquant d´achever notre langue. Ce qu’ils défendent à juste titre, avec la langue française, c’est une tradition d’enseignement, un mode de raisonnement et de constitution de la pensée, qui a toute sa place dans un univers mondialisé, où doivent être conservées les particularités qui enrichissent la réflexion.
Sans être fermé aux possibilités des Français de jouer un rôle dans la recherche mondiale par le passage par une autre langue et par la rencontre et l’échange internationaux, il faut donc réfléchir, plus profondément et en prenant peut-être davantage de temps, aux conditions de l’introduction des langues étrangères dans l’enseignement supérieur.
L’amendement qui a été introduit dans la loi pour contraindre les établissements d’enseignement supérieur à dispenser aux étudiants étrangers des cours d’initiation à la langue et à la culture françaises est déjà une excellente idée. Mais il faudrait aussi que le texte soit plus précis sur les conditions d’attribution des autorisations des enseignements en langues étrangères et encadre strictement le choix des intervenants. Plus qu’une exception, un indult laïque, en quelque sorte.
À suivre…