Déshabiller Pierre
Par Société des agrégés, le 19 novembre 2013
Proposer, parmi les pistes de discussion avancées dans le cadre de la réflexion sur le « métier enseignant », la création de décharges pour les professeurs exerçant en zone sensible est une initiative a priori louable. Il est en revanche particulièrement démagogique d’aller chercher la contrepartie financière de cette mesure dans l’augmentation des obligations de service des professeurs de classes préparatoires et, par conséquent, dans la diminution de leur rémunération[1].
Les agrégés, une cible facile
Les agrégés, professeurs de classes préparatoires, peu nombreux et peu enclins à user de la grève ou du blocage, sont des cibles faciles, trop faciles. Les désigner à la vindicte publique comme des privilégiés refusant de céder sur leurs avantages serait insupportable.
Brimades pour les hauts potentiels : un raisonnement à courte vue
L’éducation nationale a décidément bien du mal avec les « hauts potentiels » qu’elle ne sait ni reconnaître, ni soutenir et qu’elle ne saura bientôt plus retenir. Dans un contexte de crise du recrutement, quoi qu’en dise le ministère, s’en prendre à des professeurs de haut niveau, ne comptant pas leur temps, ne ménageant pas leur peine, et ayant, pour la plupart d’entre eux, renoncé à une carrière brillante en dehors de l’enseignement pour se dévouer, dans l’ombre, à la réussite de leurs élèves, ne participe guère d’une vue à long terme.
Qu’est-ce qu’un « haut potentiel » ? C’est quelqu’un qui a le choix, et qui peut partir. Un article récemment paru dans Challenges[2] soulignait le nombre important de polytechniciens quittant la France pour leur premier poste. Souhaitons-nous que nos professeurs les plus brillants fassent de même ?
Non, nous ne sommes pas dans le cadre d’une redistribution des richesses, le salaire n’est pas un impôt et les professeurs de classes préparatoires méritent leur salaire qui est la juste rétribution du travail fourni.
Oui, il faut à la France des cadres de haut niveau capables de tirer le système éducatif vers une ambition intellectuelle qui rayonne sur l’ensemble du système.
Oui les élèves de ZEP ont aussi le droit de devenir élèves de classes préparatoires. Leur en donner la possibilité, c’est non seulement les aider au début de leur scolarité mais aussi leur garantir qu’ils auront, dans ces classes, des professeurs compétents parce qu’ils auront été considérés à la hauteur de leur mérite.