Réforme de la formation initiale des professeurs : un projet inacceptable malgré quelques progrès

Par Société des agrégés, le 31 mars 2025

La Société des agrégés a pris connaissance du dossier de présentation de la réforme, publié le 28 mars 2025. Elle estime que cette nouvelle version présente, dans la forme, quelques progrès par rapport à la précédente, mais que, contrairement aux propos liminaires d’Élisabeth Borne, le recrutement des professeurs à bac + 3 ne permettra pas d’« attirer davantage de candidats, préparer plus tôt au métier et élever le niveau de formation des futurs enseignants » et que ce projet doit être encore largement amélioré.

La Société des agrégés relève quelques dispositions positives, qui montrent que ses avertissements répétés ont reçu quelque écho au ministère, mais elles ne sauraient suffire à rendre cette réforme fructueuse.

Ainsi, les épreuves écrites d’admissibilité du CAPES seraient « exclusivement disciplinaires » et l’une des épreuves d’admission consisterait « en un exposé disciplinaire suivi d’un échange avec le jury », ce qui constitue une rupture par rapport à la dérive qui a eu lieu depuis près d’une décennie et qui s’était concrétisée en 2022 : encore faudrait-il disposer de sujets zéro de ces épreuves pour pouvoir en juger le contenu et le niveau.

La Société  des agrégés rejette cependant le maintien du contestable et contesté entretien de motivation introduit par la précédente réforme du CAPES, portant sur la motivation du candidat et son aptitude à se projeter dans le métier de professeur : une telle épreuve, difficile à évaluer objectivement, ne peut que conduire à des exposés artificiels et convenus, sans lien avec la maîtrise de la discipline. Elle doit donc être supprimée et remplacée par une épreuve disciplinaire, un entretien pouvant avoir lieu à l’issue des épreuves orales pour permettre au candidat et à un inspecteur d’échanger honnêtement sur le métier et la carrière.

La présence accrue de professionnels du terrain dans le dispositif de formation pour renforcer la maîtrise des savoirs disciplinaires et de leur didactique va également dans le bon sens, mais les INSPE, souvent accusés, à juste titre, d’infantiliser et de formater les futurs professeurs, doivent être profondément réformés.

Il faut noter enfin que la rémunération des lauréats comme élèves-fonctionnaires, puis comme fonctionnaires stagiaires est précisée. La Société des agrégés estime cependant qu’un système comparable aux IPES (instituts de préparation aux enseignements de second degré), où des élèves-professeurs seraient rémunérés pendant 3 ans pour préparer le CAPES, une année supplémentaire pouvant être accordée aux meilleurs d’entre eux pour préparer l’agrégation, eût été préférable.

La Société des agrégés regrette que le ministère se soit obstiné à placer le concours du CAPES à bac + 3 au lieu de prévoir une quatrième année dédiée à la préparation spécifique du concours. Si cette disposition élargira mécaniquement le vivier des candidats potentiels à l’enseignement, elle ne permettra en rien, comme le prétend le ministère, d’élever le niveau de formation. Avec un concours organisé au cours de la troisième année de licence, beaucoup d’étudiants n’auront pas le temps d’acquérir une maîtrise disciplinaire suffisante.

Cette baisse des exigences risque de faire obstacle à la possibilité qu’avaient jusqu’à présent les lauréats du CAPES de préparer immédiatement le concours externe de l’agrégation. Même si l’agrégation est épargnée par la réforme, le vivier de ses candidats s’en trouvera amoindri, mettant en péril l’avenir de ce concours.

Pour toutes ces raisons, malgré les progrès de cette nouvelle version par rapport à celle de l’an dernier, la Société des agrégés estime que cette réforme ne saurait répondre à la crise du recrutement, ni au manque d’attractivité du métier de professeur ni au redressement nécessaire du niveau scolaire. C’est toute une politique de revalorisation matérielle, morale et sociale qui doit être mise en œuvre simultanément. Devant être reçue prochainement en audience au ministère, la Société des agrégés expliquera les raisons de son opposition à cette réforme et proposera des solutions alternatives susceptibles de l’améliorer.