Le coup du grand retour de la dictée
Par Société des agrégés, le 21 septembre 2015
L’annonce de Najat Vallaud-Belkacem sur la dictée quotidienne à remettre au goût du jour dans les écoles a été récemment interprétée comme un coup politique. Or cette annonce, faite au moment de la publication des nouveaux programmes, loin d’être une volte-face devant le jargon et l’absurdité des précédentes moutures, illustre surtout les contradictions dans lesquelles se débat notre école et la regrettable vacuité des discours en matière d’éducation.
Le même jour, il fallait écouter Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, pontifier et expliquer ce qu’est une dictée. On l’entendit gloser abondamment sur la définition large de ce mot : la dictée se trouvait dans toutes les disciplines, par exemple en arts plastiques, lorsque le professeur énonçait une consigne. Usage bien flottant du vocabulaire et bien préoccupant quand il s’agit d’un concepteur de programmes mais très répandu depuis longtemps dans l’Education nationale.
Bref, on a compris que ce prétendu retour à la dictée et à l’entraînement n’est qu’un nouvel avatar de l’agitation et de la diarrhée verbale qui aboutissent à la liste illimitée des contradictions propres à l’Education nationale : prôner la liberté pédagogique du professeur tout en l’enfermant dans de strictes limites, se prononcer pour l’effort et l’entraînement tout en promouvant le jeu et l’utilisation débridée du numérique, appeler l’école à revenir aux fondamentaux tout en ajoutant à ses missions le développement durable et le code de la route, rappeler l’importance de la maîtrise du français tout en en diminuant les horaires, expliquer que l’école libère et apprend à être autonome tout en mettant en place un catéchisme idéologique qui n’a de citoyen et de républicain que le nom.
Depuis longtemps, toutes les campagnes de communication de l’Education nationale visent à faire croire qu’on offre aux élèves de la haute-couture et du sur-mesure quand les professeurs, sous l’effet des réformes successives, ne peuvent fournir que du prêt-à-porter. À prétendre que tout ministre est un grand réformateur et tout professeur un ennemi du progrès. À expliquer aux parents, à grand renfort de documents colorés, que les professeurs ont tous les moyens pour faire réussir leurs enfants. De là à faire entendre à l’opinion que les professeurs sont les seuls responsables de l’échec de l’école quand il serait extrêmement simple d’y remédier… il n’y a qu’un pas, vite franchi par l’annonce du retour de la dictée.