Musée de l’homme moderne
Par Société des agrégés, le 6 novembre 2015
Rouvert depuis le 17 octobre dernier, le Musée de l’homme permettra au promeneur à l’âme philosophe de méditer sur les contradictions de l’être humain du XXIe siècle. Mais il n’aidera pas l’enfant curieux à découvrir l’histoire de l’humanité. Une difficulté à concilier des objectifs politique, civique et culturel qui n’est pas sans rappeler celle que rencontre notre école.
Débauche d’énergie et discours moralisateur sur le développement durable
Dès l’entrée, un vaste mur accueille le visiteur par des mots de bienvenue clignotant dans toutes les langues à grand renfort d’ampoules électriques. Il notera, pendant sa visite, le nombre important d’écrans au contenu redondant avec celui des vitrines. Passé par la salle du développement durable, il aura tout loisir de réfléchir à la contradiction de l’homme moderne qui dépense vainement une énergie considérable pour ses loisirs dans l’hémisphère nord tout en proclamant la nécessité de préserver les ressources vitales des habitants de l’hémisphère sud.
Juxtapositions d’objets et de propos pour une visite difficile
Les vitrines suivantes présentent une accumulation de tenues de carnaval, fétiches, masques et bustes d’hommes politiques. Il s’agit de rendre compte de la diversité et des ressemblances des êtres humains mais la spécificité de chacun de ces objets est niée. Même perplexité devant la maquette géante de l’éléphant dépecé s’étalant près des premiers outils de l’humanité. Le refus de hiérarchiser les objets, l’insuffisance des explications réduisent à néant l’espoir de s’instruire.
Les plus grands savants et spécialistes collaborent à l’exposition par des interventions sonores ou filmées. Mais il faut tendre l’oreille, l’écoute est difficile et les propos si isolés les uns des autres et si juxtaposés qu’il est difficile de construire soi-même un discours synthétique permettant d’en retenir l’essentiel.
Trois obstacles significatifs à la diffusion du savoir
Trois obstacles coexistent. D’abord, la nécessité de compenser la diminution des collections au profit d’autres institutions est un handicap réel. Ensuite, l’objet du musée – la réflexion sur l’évolution et la diversité de l’espèce humaine – fait craindre les critiques et interdit tout propos suivi. Enfin, la spécialisation du savoir, entraînant le refus d’un discours simple et synthétique, perd le public entre des interventions qu’il n’a pas le temps de suivre.
On reste donc sur sa faim, troublé et peiné, parce qu’on aurait sincèrement voulu aimer ce musée dont les locaux sont magnifiquement réaménagés, dont les objectifs sont nobles, dont l’histoire est belle et dont les responsables sont éminemment qualifiés. Mais l’on reste persuadé que dans son état actuel, il ne remplit pas sa vocation pédagogique. Il se heurte en cela aux mêmes difficultés que l’école. Préférer l’énoncé de bonnes intentions à l’exemplarité dans les actes, choisir l’accumulation plutôt que l’organisation par crainte de créer des hiérarchies, refuser la simplification nécessaire à l’élaboration d’un point de vue construit et accessible à tous, c’est courir le risque de ne s’adresser qu’aux interlocuteurs avertis, c’est-à-dire à ceux auxquels on est le moins utile.
Publié sur theconversation.com le 5 novembre 2015