Réforme du collège : Paris contre la province
Par Société des agrégés, le 22 janvier 2016
L’émotion des régionales retombée, la suppression des classes bilangues confirme l’inquiétant abandon de la province.
Alors que la nouvelle carte des langues vient d’être diffusée, les associations de linguistes ont pu constater la disparité immense créée par la réforme du collège : entre Paris, qui conserve l’intégralité de ses classes bilangues et Caen qui en perd 95% (selon les calculs de l’Adeaf), quelle égalité ?
La province, vous savez, cet endroit follement exotique où les ministres passent 15 jours de vacances l’été, cet endroit où il est de bon ton pour les figures politiques de se précipiter en période d’élection pour haranguer les foules et leur expliquer, quelques minutes montre en main, comment elles doivent voter avant de vite, vite, repartir vers Paris.
Les scènes de la vie de province aujourd’hui ce sont, dans un contexte d’aggravation des inégalités sociales, des mairies rurales dans l’impossibilité d’organiser des activités périscolaires de qualité faute de budget et de personnels, ce sont des universités qu’on laisse se débrouiller avec un afflux d’étudiants qu’elles n’ont pas les moyens d’accueillir, ce sont des classes préparatoires fermées les unes après les autres, ce sont enfin des établissements privés de leurs classes bilangues.
Résumons-nous, là où les déplacements sont plus difficiles, où la vie culturelle a besoin de plus de soutien, où l’on doit le plus encourager et accompagner les élèves et étudiants, l’Education nationale et l’Enseignement supérieur abandonnent la jeunesse, oubliant de manière regrettable, que l’offre éducative est un élément essentiel de l’aménagement du territoire.
Certes, c’est une spécialité de ce ministère que de diviser depuis 2012 : on a voulu monter les professeurs de zep contre les professeurs de classes préparatoires, les parents contre les professeurs, les professeurs de lettres classiques ont été ridiculisés par des caricatures officielles les présentant comme de vieux barbons chauves qu’il fallait d’urgence rendre plus « sexy »… Désormais, c’est Paris contre la province !
On a pu remarquer que la presse locale couvrait davantage les initiatives des professeurs et les manifestations contre la réforme du collège et que le propos y était généralement plus équilibré quand, dans les journaux, nationaux, on avait peine à se dégager de la communication ministérielle. L’accueil de la carte des langues semble confirmer cette tendance : les titres de la presse nationale sont dithyrambiques ce matin. Paris est soulagé, la province peut pleurer. La réforme du collège, mise en oeuvre sous couvert d’égalitarisme, commence à montrer son vrai visage… inquiétant pour l’avenir de la France.