Une mauvaise réforme, un calendrier difficile
Par Société des agrégés, le 26 janvier 2016
Plusieurs facteurs risquent d’amoindrir la portée de la mobilisation des professeurs. Plutôt que d’engager, de mauvaise foi, un bras de fer pour un passage en force précipité, le ministère doit reprendre le dialogue.
La publication de la carte scolaire a levé le voile sur les premiers effets de la réforme du collège : 100% des classes bilangues sont conservées à Paris, quand la situation est bien plus contrastée et difficile en Province. Comment le ministère peut-il continuer à affirmer que cette réforme est engagée pour le bien des élèves, dans une perspective sociale et égalitaire ?
Cette réforme introduit une trop grande complexité dans l’organisation des établissements, suscite des rivalités entre les professeurs qui sont soumis à la réduction des horaires disciplinaires, retire aux parents la possibilité de décider des options suivies par leurs enfants, introduit des inégalités entre établissements et territoires.
Malheureusement, toutes les conditions sont réunies pour rendre plus difficile la tâche des grévistes et manifestants ce 26 janvier. Outre la maîtrise de la communication orchestrée par le ministère qui distille des messages simplistes, plusieurs facteurs risquent de jouer.
La mobilisation peut souffrir de la dilution du message anti-réforme dans des revendications plus générales portées par des fédérations de la fonction publique. Il est possible qu’elle souffre aussi de la brèche ouverte dans le front anti-réforme par la publication de la carte des langues : les professeurs parisiens ayant obtenu satisfaction seront peut-être plus difficiles à mobiliser tandis que les manifestations en province risquent, n’étant pas comptabilisées globalement, de sembler éparses. Enfin, la grève des taxis, très médiatique, semble depuis ce matin attirer tous les regards.
Or cette manifestation est la dernière occasion à cause du calendrier scolaire, d’exprimer un désaccord franc. Après les vacances de février et de printemps qui se suivent et rendront difficiles une mobilisation générale, la période des examens et concours ne permettra pas non plus de mobilisation importante chez les professeurs qui ont toujours eu à cœur de soutenir leurs élèves dans la préparation et le passage des examens.
Qu’on ne déduise donc pas que la réforme est massivement soutenue, bien au contraire. De nombreux professeurs s’insurgent et contre la réforme, et contre son organisation qui monopolise temps et argent, en vain. Pour le moment, la seule réponse qu’ils ont obtenue a été coercitive : fichage des récalcitrants, rappels à l’ordre… Leurs inquiétudes demeurent.
Quel besoin le ministère a-t-il donc de tout précipiter ? Une réforme risquant de marquer, pour une trentaine d’années, le système éducatif ne peut-elle supporter un délai de réflexion et de concertation supplémentaire ? Il est plus que jamais urgent d’écouter, de consulter les professeurs et de renoncer à un passage en force délétère et de mauvaise foi.