Dans les sillons du temps – Maurice Abiteboul
Le 27 juin 2017
Notre collègue Maurice Abiteboul a déjà consacré plusieurs de ses recueils de poèmes au thème du temps, depuis Le Cabinet de curiosités publié chez le même éditeur en 2012. Il exploite une fois de plus ce thème dans les quarante-neuf pièces de ce nouveau recueil dont certaines, composées d’un, de
deux, de trois ou de quatre vers, ont la concentration de certains poèmes d’un Ungaretti. Ce temps fugace qu’un Lamartine aurait voulu suspendre pour jouir des bons moments de la vie, Maurice Abiteboul essaie de le contrer à sa manière, tout en sachant pertinemment, en bon joueur qu’il est, que la partie est perdue d’avance (« Perdre avec le sourire », « Du temps des belles vacances »).
Ainsi, dans son parcours spirituel, il accorde peu de place à l’angoisse métaphysique (« Quelques instants ») et se ressaisit immédiatement (« Je lis, j’écris… »). Il considère qu’il faut aller résolument de l’avant (« En marche »), sans se préoccuper des contingences de la vie quotidienne (« En temps normal »). Si le passé réveille parfois des souvenirs agréables (« Les filles de l’été », « Du temps des belles vacances », « Les matins profonds »), s’il laisse des regrets, des frustrations (« Perte de vue », « Dernières nouvelles du paradis »), il importe peu (« Dernières nouvelles du paradis », « So what ? »), d’autant plus que, grâce à la mémoire dont le poète veut être le « bibliothécaire » (« Dans les recoins de la mémoire », « Alors il a fait beau »), il peut être toujours présent (« Tout le monde meurt à Sainte-Hélène »). Il vaut mieux « prendre la vie à bras-le-corps » (« Je lis, j’écris… », « Les sorciers du temps »), profiter de l’instant présent (« Pourquoi faut-il… ? », « Improviser »), des beautés de la nature (« Les portes du temps »), tout en prenant son temps avec le temps (« Je lis, j’écris… »). « Avec l’oubli du temps qui passe, nous sommes à nouveau éternels. » Grâce aux « recoins obscurs de la mémoire » (« Dans les recoins obscurs de la mémoire », « Alors il a fait beau », « Comme un rêve étouffé »), qui ressuscitent le passé, le poète, en son atelier (« L’atelier du poète »), en gestation continuelle (« Cahier de brouillons »), ou tout en suggestions (d’où l’importance des points de suspension dans ses vers), accorde ainsi à son existence, en un bel oxymore, une « éphémère éternité » (« Dans les sillons du temps ») qui lui permet de se situer dans le cosmos, de « parler aux étoiles et aux siècles » et d’adopter une ligne de conduite.
« Il s’est remis debout, il s’est remis en marche, il a repris la route, il va vers le soleil, il va vers l’horizon, et puis, au crépuscule, il posera son sac et, dans le vent du soir, attendra les étoiles. »
Par Jean-Pierre Mouchon
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Maurice Abiteboul, Dans les sillons du temps, Saint-Denis, Éditions Édilivre, 2017, 65 pages