Journal de Marguerite Lebrun – Eric Freysselinard
Le 20 avril 2019
Agrégé d’espagnol, énarque, préfet, arrière-petit-fils et biographe du dernier président de la IIIe République Albert Lebrun, Éric Freysselinard édite ici minutieusement une partie du gigantesque journal de la première dame Marguerite Lebrun (1878- 1947). Observatrice perspicace, portraitiste cinglante, elle rend bien le Paris de cette « guerre bizarre » – où même le président de 68 ans dort sans lit dans l’abri antiaérien et se perd sans papiers dans le black-out – puis les semaines angoissantes de la défaite. Elle s’inquiète des atrocités nazies en Pologne, de la pusillanimité des neutres, du sort des États baltes et de la Finlande agressés par l’URSS ; pieuse, elle souffre du silence de Pie XII. Son mari n’a accepté que par devoir une réélection inédite (mai 1939) : impuissant mais lucide, il sait hausser le ton face aux veuleries de l’étranger, se méfie des défaitistes, réprouve l’Armistice.
Le journal suit « l’opposition menée par Albert contre les mesures hâtives ou extrémistes du nouveau gouvernement, son refus de signer certains décrets, les avertissements donnés au Maréchal, les conseils de calme prodigués à Weygand, son souci de toujours rester dans la légalité. » La République supprimée, il ne peut faire plus que refuser de démissionner, puis
quitter la scène avec dignité. Un témoignage passionnant et neuf sur les coulisses de l’année décisive entre toutes.
Par Raphaël Spina
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Éric Freysselinard, Comment la IIIe République a sombré. Journal de Marguerite Lebrun (septembre 1939-juillet 1940), Presses Universitaires de Nancy, 2018, 374 pages.