La Féline
Par Société des agrégés, le 7 décembre 2017
Musicienne, devenue chanteuse-compositrice après une agrégation et un doctorat, la Féline défend son nouvel album, Triomphe, en concert.
SdA – Comment devient-on auteur-compositeur après avoir été agrégée de philosophie ?
Je compose des chansons depuis que je suis enfant. En réalité, l’expérience et l’amour de la musique précède chez moi celui de la philosophie. En tous cas, je ne suis pas devenue une meilleure ou une moins bonne musicienne après avoir obtenu l’agrégation. Pour la musique que je fais, une musique non écrite, enregistrée, le chemin est à la fois plus court et plus long que pour l’obtention d’un concours. Il s’agit de trouver son son, de cultiver une idiosyncrasie particulière, des accidents aussi, et d’incarner tout cela avec justesse : c’est l’affaire d’une vie.
SdA – Quels bénéfices avez-vous tiré de la préparation de l’agrégation, était-ce une période fertile de votre vie intellectuelle ?
La préparation à ce concours, bien qu’elle soit cadrée par des exigences de méthode très déterminées, demande un rapport très ouvert à la philosophie, parce qu’il s’agit de se fabriquer le bagage d’un philosophe généraliste (sachant que les années suivantes, si l’on fait une thèse, ce sont des années de spécialisation). Et j’ai aimé cette ouverture, elle me permet aujourd’hui encore de situer ma démarche parmi d’autres, d’articuler mieux mes prises de position théoriques car j’y ai acquis une conscience plus documentée qu’avant des différentes voies de la philosophie.
Par ailleurs, cette année là, j’ai eu l’impression d’apprendre à réfléchir vite, non à plaquer des raisonnements mais à les structurer de façon plus souple, ou pour mieux le dire, plus agile, et c’est aussi une chose très agréable. C’est la dimension presque sportive de la préparation!
SdA – Vos chansons : quelles sont vos sources d’inspiration : pour la musique ? pour les paroles ?
Elles sont très nombreuses, pour la musique, il faudrait remonter à l’enfance… Aux premières émotions musicales : Yves Montand qui chantait «Le roi Renaud », la musique d’Ennio Morricone dans les publicités à la télévision, ou encore ma mère chantant des cantejondos de Garcia Lorca en jouant le rythme du bout des doigts contre la porte. Adolescente, j’étais fan de heavy metal. Et puis j’ai découvert le rock indépendant : Sonic Youth, les Pixies, les Smiths, PJ Harvey. Depuis, j’ai écouté mille choses : comme influences conscientes, je pourrais citer Nico, ses très beaux albums solo, mais aussi des chanteuses françaises comme Brigitte Fontaine, ou la très émouvante Anne Sylvestre. Autour de la sortie d’Adieu l’enfance, j’ai rencontré aussi Christophe, Etienne Daho, Bertrand Burgalat ou Dominique A, des gens qui comptent beaucoup artistiquement pour moi. Concernant les paroles, la plupart des compositeurs précédemment cités sont aussi des auteurs, leur élocution m’inspire aussi. La poésie joue aussi un rôle, la poésie la plus musicale, qui présente le plus d’affinité avec la forme chanson : celle de Clément Marot, de Louise Labbé ou de Verlaine, celle de Philippe Jacottet dans Quelque chose noir, et puis, au-delà de la langue poétique elle-même, des histoires : j’ai toujours aimé la mythologie grecque, on en retrouve des traces dans mes chansons, depuis très longtemps, ou des histoires plus disparates, comme celle de « La folle de Montcalm », cette femme sauvage retrouvée dans les montagnes ariégeoises au XIXe siècle et qui fut capturée, histoire qu’en un sens j’ai pu avoir en tête, parmi d’autres aventures d’enfants sauvages en écrivant la chanson « Senga » qui ouvre mon dernier album, Triomphe.
SdA – Que diriez-vous aux jeunes agrégatifs qui passent l’agrégation cette année ?
Je dirai qu’elle mène à tout, et que j’en suis la preuve. Et je leur souhaiterai aussi bonne chance car ça reste un concours difficile!
Photo : Leif Carlsson
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